To bebe or not to bebe, mon avis sur vos avis sur l'avortement

Quelqu'un m'a dit un jour que la troisième guerre mondiale sera une guerre d'opinions. Une guerre où les commentaires Facebook remplaceront les armes. J'ai trouvé l'idée bien vue. En effet depuis quelque temps, l'actu n'est pas avare de sujets qui font parler. Mais dans une société qui parle de tout, tout le temps, l'actu n'a plus qu'à faire son boulot, même (comme c'est le cas) de manière approximative.

Le titre le plus mensonger de l'histoire du journalisme

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En dernière position, l'avortement, qui se voit remis en question en Espagne tandis qu'en France, c'est le contraire. Najat Vallaud Belkacem, notre féministre jamais à cours d'idées farfelues des aisselles pour montrer qu'elle prend sa mission à coeur a décidé de demander la réécriture de la loi Veil afin d'y inscrire le libre choix des femmes. Ainsi l'avortement deviendrait de manière légale un choix personnel à part entière tandis que Simone Veil elle-même disait que cela devait "rester l'exception".

Dans les faits, ça ne change rien. Une femme qui veut avorter reçoit une information erratique et subjective en fonction des opinions de son gynéco et de son entourage. C'est elle et sa chance quelque part. Pour peu qu'elle bénéficie de conditions de fabrication hasardeuses (pas sûre du père, hésitation à le garder) alors elle pourra croiser tout un tas d'hurluberlu persuadés d'être dans leur bon droit :

La généraliste old school : "est-ce que les deux papas potentiels se ressemblent ?"

La généraliste old school : "est-ce que les deux papas potentiels se ressemblent ?"

Le gynéco pervers "ha vous hésitez ? Bon alors on va regarder tout ça ... ah oui il y a bien un petit embryon avec un petit coeur qui bat"

Le gynéco pervers "ha vous hésitez ? Bon alors on va regarder tout ça ... ah oui il y a bien un petit embryon avec un petit coeur qui bat"

Le chirurgien con "vous avez quel âge ?" "QUOI ?!" "Et vous avez pas encore d'enfant ?!"

Le chirurgien con "vous avez quel âge ?" "QUOI ?!" "Et vous avez pas encore d'enfant ?!"

La catho gentille "tu sais j'ai une cousine à qui c'est arrivé, elle l'a gardé et à peine deux ans plus tard elle rencontrait son mari, maintenant elle en a 4, il a adopté son premier, c'est merveilleux"

La catho gentille "tu sais j'ai une cousine à qui c'est arrivé, elle l'a gardé et à peine deux ans plus tard elle rencontrait son mari, maintenant elle en a 4, il a adopté son premier, c'est merveilleux"

La copine pute "ne les écoute pas, c'est TON corps, TA vie, tu choisis !!" "Quoi ?" "Moi ?" "Oh non non moi ça m'arriverait jamais"

La copine pute "ne les écoute pas, c'est TON corps, TA vie, tu choisis !!" "Quoi ?" "Moi ?" "Oh non non moi ça m'arriverait jamais"

Alors Najat précise que la réécriture de la loi ne serait qu'une mise en conformité avec la réalité.

Dans ce cas pourquoi la réécrire ? Alors qu'elle sait très bien qu'en ces temps troublés, cette simple réécriture va provoquer manifestations et désaccords civils.

Après le mariage pour tous et Dieudonné, après que nous ayons tous eu l'occasion de perdre la moitié de nos amis Facebook dans des polémiques stériles (des polémiques stériles sur l'avortement, c'est assez pervers), pourquoi se priver d'encore un peu de prises de tête, de jugements à l'emporte pièce, de leçons et autres informations peu documentées et pauvrement argumentées?

Le statut préféré des français : "La France me dégoute"

Le plus étonnant, c'est quand les manifs anti-avortements provoquent plus de dégout que les spectacles de Dieudonné.

A deux poids deux mesures, il faut le laisser parler, lui mais pas eux.?

BREF

Entre l'image de ces gens dans la rue, défilant contre le droit inaliénable à disposer de son corps et pour le maintien de la vie à tout prix, il ne me vient qu'une pensée : les deux sont des extrémistes et aucun n'en a conscience. Surtout pas le "pour", qui se croit plus gentil, plus ouvert et plus humaniste que l'autre.

La grossesse est un phénomène injuste par nature. Au risque de décevoir nos amies féministes pour qui prétendre que les femmes ont parfois plus de chance que les hommes est une hérésie, la grossesse fait partie des arguments. Porter un enfant c'est quelque chose d'unique. Or ce peut aussi être un piège. Car il s'agit bel et bien d'une colonisation. L'occupation par un étranger de notre territoire acquis, qui va épuiser (façon de parler) nos ressources en attendant d'en avoir pour lui tout seul.

Dans une grande majorité des cas, on s'éxécute avec plaisir et même, cessons consciencieusement tout ce qui pourrait nuire à cette terre partagée.

Mais dans certains cas, c'est une violation du territoire. Ce petit habitant, parfois, on l'a pas vu venir, on l'a pas demandé, il s'est installé. On voudrait pouvoir lui faire de la place mais on sait. On sait que tôt ou tard ce n'est pas que de l'espace qu'il lui faudra. Il lui faudra un modèle, une structure, des éléments de fiabilité, de la chaleur, de la nourriture, du temps... Et parfois, lorsqu'on ne l'a pas vu venir, on n'a pas encore eu le temps de préparer tout ça. On n'a rien à offrir.

Vaut-il mieux ne pas avoir quelqu'un à qui ne rien offrir ? Ou apprendre à faire des phrases qui tiennent la route ?

S'occuper de soi le temps de trouver les ressources pour s'occuper de quelqu'un d'autre ?

N'oublions pas qu'un bébé ne le reste pas. Un bébé devient un adulte. Et aussi louche que cela paraisse, choisir de ne pas en avoir est parfois un choix courageux qui demande de la force et une grande connaissance de soi. Savoir qu'on ne regrettera pas. Savoir qu'on n'a pas reçu suffisamment de clés pour en délivrer à son tour, éviter à un adulte la souffrance et les névroses d'une vie bancale qui s'apparente à un sacrifice.

Avoir un enfant n'est pas plus un choix qu'un droit, en vrai, c'est une mission.

Cette mission si vous l'acceptez, deviendra le plus grand engagement que vous pouvez envisager, la petite étincelle d'angoisse qui va se greffer à toutes vos minutes.

Cette mission si vous l'acceptez, deviendra le plus grand engagement que vous pouvez envisager, la petite étincelle d'angoisse qui va se greffer à toutes vos minutes.

Le confort, quand on est maman, ce n'est plus seulement les moments de calme du dimanche devant sa télé ou dans un bain (ça il y a toujours moyen), c'est la force de ne pas céder lorsqu'on vous en crevez d'envie, pour être tranquille, c'est la capacité à adopter un ton ferme, parfois lever la voix, parfois juste dire NON à cette petite chose qui vous fait le coup de la lèvre du bas. Avoir des enfants, c'est accepter qu'un brunch entre amis soit gâché parce qu'il ne veut pas dormir et hurle à la mort, savoir ne pas ouvrir cette porte, pour son bien, pour qu'il apprenne à se calmer seul, à avoir cette victoire sur lui-même. Pleurer à l'intérieur. C'est ça la vie d'une maman.

Et je dis ça, mais en vrai j'y connais que dalle, je débute.

Tout ça pour dire que la grossesse est quelque chose d'injuste en soi.

Devenir enceinte quand on l'a choisi est injuste pour les autres, et quand on l'a pas choisi l'est pour soi.

Comment légiférer sereinement sur quelque chose d'aussi intime que le fait d'avoir un bébé dans son ventre ?

La loi Veil nous a donné un élément de réponse que nous avons accepté (enfin pas tous) : la femme dispose de son corps et jusqu'à un certain point de sa grossesse, peut ôter le foetus de son ventre.

Je l'ai fait et je peux vous dire que si c'était mon choix, je réduirais la durée légale. Sans aucun scrupule.

Dans l'ignorance, j'ai attendu le bout du bout car je n'arrivais pas à faire un choix. Or la limite légale est à 12 semaines de grossesse (14 semaines d'aménorrhée).

Je l'ai appris des années plus tard. 5 ans exactement. 5 ans de culpabilité, à ne pouvoir en parler sans pleurer. 5 ans à me dire que j'avais peut-être fait une erreur. Et quel âge aurait-il ? 5 ans à avoir peur de ne plus jamais tomber enceinte, de n'avoir jamais d'enfant par vengeance de l'univers. Ce qui m'a valu un épisode névrotique monomaniaque assez violent lors de ma première fausse couche.

Enfin, je retombe enceinte, 5 ans plus tard. Et arrive cette fameuse première écho. Je sais que je suis à 10 semaines de grossesse, 12 semaines d'aménorrhée. Je m'attends à voir un haricot vert à peine plus grand que la première fois, dans la machine, et me prépare psychologiquement à entendre battre le coeur. Sur l'écran, un visage de profil. Probablement celui de la patiente précédente qui était bien avancée dans sa grossesse.

J'attends. L'échographe me dit "voila". Je ne réalise pas immédiatement que sur l'écran, le profil de bébé, c'est le mien. 10 semaines, un petit être humain miniature, je réalise qu'il y a 5 ans j'ai demandé à quelqu'un de l'enlever de mon ventre ... la claque.

Depuis, à la lumière de ma fille je relativise cette prise de conscience, c'était un choix que j'ai fait, et je ne le regrette pas. Je ne le regrette jamais. Cet enfant non né m'a sauvé la vie. Il a permis la naissance de celui qui est né. Ma fille. Elevée avec un papa merveilleux, une maman un peu plus construite, des conditions de vie confortables et un avenir relativement assuré, ma fille bénéficie de conditions de vie particulièrement douillettes qu'il sera bon de lui rappeler lors de ses futurs caprices.

Ce que je sais aujourd'hui c'est qu'à l'époque je n'aurais pas eu le courage de vivre avec cette petite boule au ventre, cette angoisse aussi vaporeuse que toxique qui dit "je l'aime tellement, et s'il lui arrivait quelque chose ?"

Tout ça pour dire que l'avortement est quelque chose de compliqué, un droit inaliénable, un devoir dans certains cas. L'IVG ne peut pas disparaître. Mais si on prétend qu'une personne ne peut pas juger le droit de la femme à interrompre sa grossesse alors nous devons éviter tant bien que mal éviter de juger leur opinion. Oui, ils ont le droit d'être contre. Ils ont le droit de penser qu'un foetus a une âme. Je le pense aussi. Je pense que l'âme choisit de naître quelque part. Mais l'âme peut aussi choisir de ne pas naître. Elle peut venir guérir une blessure, servir une cause et s'en aller pour revenir un peu plus tard sous les traits d'un autre bébé. C'est ce que je pense. A partir de là l'IVG n'a que peu de pouvoir face aux forces du destin.

Ma croyance vaut autant que celle de n'importe qui.

Alors si je veux bien qu'on respecte le droit à chacun de se marier ou de ne pas avoir d'enfant, je demande qu'on respecte le droit d'être contre.

Et lorsque des députés, en réponse au projet de madame Vallaud Belkacem proposent que si on élimine la notion de détresse alors il faut dérembourser l'IVG, je réponds que cette proposition aberrante est c'est un juste retour des choses. On ne s'étonne pas que ça pue quand on remue la merde.

Je me suis moi-même effarée il y a peu de réaliser le nombre d'antisémites inconscients qui pullulaient sur mes réseaux : si vous savez, ceux qui ne sont pas antisémites mais "antisionistes" et qui finissent par avouer que le lobby judéo-sioniste c'est quand même quelque chose...

Et voici que je vois ma timeline outrée du nombre du nombre de gens qui défilent contre l'IVG et je me dis : il n'y a pire eau que l'eau qui dort.

Comme si les anti-avortements étaient tombés dans une faille spatio-temporelle entre 1975 et aujourd'hui. Comme si on pouvait changer d'avis sur ce sujet. N'oubliez pas que pendant que vous pissez dans des violons avec votre indignation opportuniste Hesselienne, le gouvernement occupe le terrain sociétal pour rassurer ses électeurs de gauche sur sa politique économique de droite.

Najat Vallaud Belkacem pourrait s'occuper des vrais sujets : comme le manque d'uniformisation des vrais infos, comme ces sites, super bien référencés qui sous couvert d'information font de la propagande anti-IVG, avec des hotlines et des moyens, si on mettait les mêmes moyens pour informer les jeunes filles de leurs options de contraception par exemple. Si on évitait tout simplement le recours à l'IVG, si on remettait la détresse à sa juste place ? Plutôt que d'essayer de la faire disparaître ? Bien sûr que c'est beau de pouvoir avorter, quand on peut l'éviter.

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