Y a des choses qu'on peut faire
Et puis celles qu'on ne doit pas

Il existe certaines activités que faire seul est d’une tristesse incommensurable. Je ne parle pas de sexe (pour une fois), mais de choses comme aller au théâtre. J’ai eu la chance et l’infime honneur d’être invitée par un certain Romain de la Molière Académie à voir la pièce « Le Molière imaginaire » écrite par Jean-Michel Beriat et Yvan Varco, et mise en scène par Roger Louret…

Y a tout c'qu'on doit taire
Tout c'qui ne se dit pas

(que je ne connaissais que pour avoir fait danser une bande de petits jeunes déguisés en Danny et Sandy de Grease … chez Jean-Pierre Foucault).
Des vies qui nous attirent
De brûlures et de clous

Petite, je me voyais déjà … pas forcément en 10 fois plus gros que n’importe qui, d’ailleurs, je tiens à le préciser à notre créateur qui aurait pu être un peu plus light sur ma capacité d’absorption… mais peu importe, je m’imaginais rédactrice en chef d’un magazine. Pas forcément féminin. Juste un magazine. Je me voyais préparant le prochain numéro, distribuant les rôles à mes journalistes. Transformant ma vie entière en une quête d’idées neuves et de bonheur. Evidemment, dans mon rêve, j’étais invitée partout, et j’arrivais souriante (et accompagnée) là où tout le monde me dirait bonjour…   Au lieu de cela, je me suis fondue dans la masse en tâchant d’éviter cette désastreuse caméra destinée à immortaliser mon surpoids et me suis assise (mal) en fustigeant ma frangine par texto. Un homme arrive sur scène en gargouillant des mots que je ne comprends pas (ou suis-je ?) Un autre arrive avec des chaussures encore plus brillantes que mon gloss qui fait des lips de dogue argentin. Je me sens prête à sortir mon Archos pour me mater un film. Car j’ai un Archos.

Oui, mais ne pas les vivre
C'est encore pire que tout

C’est enviable n’est ce pas ? Un 30 GO avec un écran LCD, plus de 30 films et je ne sais combien de chansons. J’ai aussi une veste à 119 € et une coiffure mortelle. Mais j’ai aussi 20 kilos de trop, le cheveu gras un jour sur deux, impossible de porter des talons et une foutue mémoire de poisson rouge qui m’oblige à oublier mon parapluie et à laisser croire aux gens que je les snobe quand en fait je ne suis pas sûre de les connaître, j’ai peur de les déranger... On a tous un peu envie d’être envié. Admiré. Bien payé. D’avoir et d’être. Moi j’en ai peur. Cela n’attire que des ennuis comme se retrouver au cœur d’un complot délirant fomentée par une espèce de belge qui se déguise en pompiste pour … enfin bref. Et tout perdre est si vite arrivé.   Toute ma vie, je n’ai eu qu’un but.  Un seul. Etre reconnue. Aimée ? Je ne sais pas. Admirée ? Peut-être un peu oui. Voulue ? Certainement. Payée ? Tant qu’à faire… pour ma plume.  

De sagesse en dérive
De regrets en dégoûts

  J’ai exploré toutes les pistes, usé tous les plans foireux qui n’aboutissent jamais, me suis laissée exploitée, humiliée, décevoir … en gardant comme seul espoir l’idée qu’un jour …  

Y a qu'une guitare à la main
Qu'j'ai peur de rien

Remplace guitare par plume et t'as pigé le concept, tu peux arrêter de lire si t'es fatigué.

Quand les juges délibèrent
Si j'fais mal ou j'fais bien
Si j'suis vraiment sincère
Moi, j'sais même plus très bien
Quand les rumeurs "vipèrent"
Quand l'image déteint

Quant à l’image de la rédactrice en chef lumineuse et vénérée, elle a trouvé, hier, les limites d’une timidité aussi maladive qu’handicapante. Ou manque d’assurance peut-être ? Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, lorsque dire bonjour est un vrai challenge, inutile d’imaginer plus loin. Je n’étais que mal à l’aise. Ma petite sœur finissait le travail trop tard, Garry n’aime pas le théâtre classique, Nanouche préfère profiter des joies de Dim. Non, pas une soirée essayage de bas, mais son copain, Dimitri dit « le polack », et je n’ai pas eu le temps de prévenir d’autres éventuels amis, lesquels se comptent sur les doigts d’une main et d’un pied étant donné ma forte propension à oublier qu’on a inventé le téléphone. Je ne sais pas ce que les gens pensent de moi. Ce que vous, potoshpère, lecteurs, blogueurs, pensez de ce que je fais, de ce que je suis. Je n’ai guère que peu de commentaires et j’aime à penser que mes lecteurs sont peu mais fidèles. Il n’en reste pas moins que je peux un soir partager un diner, une rigolade, une voiture avec une autre personne, et la fois d’après, trainer l’impression lancinante et douloureuse qu’elle ne m’apprécie pas. Le jour où Spreadshirt a eu la gentillesse de m’offrir un t-shirt j’aurais du écrire « Ce n’est pas parce que j’ai la carrure de Sébastien Chabal que je ne suis pas timide ! »

Il m'reste ce vrai mystère
Et ça, ça m'appartient
 

Mais… et ça c’est un mystère, quand j’écris, aucun doute ne subsiste. Je ne suis que tchatche et montée de « jmeladonne ». Je ne perds pas de temps à parler de moi sauf quand je le décide, parce que les gens aiment ça (cynique), je ne suis qu’humour et calembours débiles, je ne suis plus triste, je n’ai plus peur. J’existe.  


Quand j'frôle la lumière
Qu'un instant je la tiens
Avec ma guitare à la main
J'ai peur de rien


Cela me réussit. Mon écriture est une entité enviable et admirée (de moi, déjà). Elle est comme cette rédac chef lumineuse et souriante, elle est tellement sûre d’elle qu’il est vain de vouloir lui résister, d’autant qu’elle se fout de ceux qui ne l’aiment pas.  

Y a des choses qu'on pense
Qu'on voyait pas comme ça
Mais on garde le silence
Et on presse le pas
 

J’en étais là de mes réflexions, ayant complètement abandonné l’idée de comprendre la pièce que je regardais lorsque j’entends... un alexandrin !!!  


Des regards qu'on détourne
Des gestes qu'on fait pas

Mes yeux se mettent à briller. Je suis peut-être seule, une petite (grosse) chose triste au milieu de la foule mais les alexandrins me rendent heureuse comme une italienne quand elle sait qu'elle aura 30% sur la nouvelle collection Gucci. Le poids de mon existence (et celui de mon postérieur, itou) disparaît devant la rhétorique. Mais pourquoi les sièges des théâtres, sont-ils si étroits ?!! Cette pièce m’apparaît comme une merveilleuse création, une ode à tout ce que j’aime. Cette pièce est pour moi, comme la chanson de Jean-Jacques Goldman, et aussi La fille aux yeux menthe à l’eau … Ca fait beaucoup de choses juste pour moi. De là à dire que je suis nombriliste à mort, il n’y a qu’un pas que je ne franchis pas à cause d’une flaque d’eau.   Un hommage au théâtre, ces choses se font si rares. Des vers, du classique, du Molière entrecoupé de répliques bien senties de sous les aisselles estampillées année 2000, humour moderne fraicheur garantie. Un grand talent le mec, vraiment.  

La conscience un peu sourde   

Mon portable qui sonne au milieu d'une réplique…

Et pas très fier de soi 
Je me sens si seule dans mon bonheur.  La pièce se termine. Je sors. Oserais-je au moins dire aurevoir ? Oh pour oser j’ai osé. Je ne sais même pas pourquoi j’étais pressée. Peur de tenter l’incruste, d’être seule et d’errer même un fugace instant, alors dès que j’ai eu fini d’allumer ma clope et de fermer ma veste j’ai pris l’air pressé et j’ai dit :

"Bon ben je m'en vais hein, faut que j'y aille ! Au fait ça t'a plu ? "

"Oh oui, c'était..."

"Ok bon ben salut hein"  

Il m'arrive d'être vraiment maladroite...  

Quand la dose est trop lourde
Quand l'blues va un peu loin

La pluie s’est chargée d’en finir avec mon assurance et ma coiffure mortelle.  

J'prends ma guitare à la main
Et j'ai peur de rien

Il n’y a que ma plume à la main

Que j’ai peur de rien.

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