La Rafle (la claque)
Il m'a fallu du temps pour me poser devant cet écran.
Ecran de couillonades et de pitreries, derrière lequel il est des douleurs qui ne pleurent qu'à l'intérieur.
Après un week-end fort mouvementé, en émotions, en découvertes, en amour très fort, déclaré, explosé, abîmé, en échanges, en larmes et en surprises, en révélations qu'il me faut bien des pilules pour avaler (mais également en gastro-entérite), j'aborde mon lundi avec l'urgence de relativiser.
Ma vie.
On a beau m'expliquer que je fais partie d'un système, que l'homme est tel qu'il est, qu'il ne changera jamais, les tréfonds absurdes de l'esprit humain ne cesseront jamais de m'indigner.
Je ne peux que me dire que je dois faire avec, qu'on saura jamais ce qu'on a vraiment dans nos ventres, caché derrière nos apparences.
Je ne peux que constater. Si j'étais née à Cracovie, comme ma grand-mère, peut-être serais-je moi, telle que je me connais, probablement décédée dès les premiers jours de la guerre pour avoir hurlé à la gueule d'un officier de la Gestapette que "je t'encule sombre connard, je reste dans ce jardin de merde et TOI tu sors"
Peut-être, sans doute, aurais-je courbé l'échine, moi telle que je me suis connue, telle que je me suis forcée à ne plus être. Petite fille perdue, seule et souffreteuse, pour qui le reproche est un procès, la bêtise, une fatalité.
Une petite juive fragile qui se serait pris du plomb dans les ailes, et n'aurait pu les déployer pour graver son nom dans les constellations.
Bien sûr que ça se serait passé comme ça. Ma vie n'est pas réalisée par Tarantino.
La vraie victime dans tout cela, c'est nous tous. Si chaque juif avait emporté avec lui un seul soldat allemand, la guerre aurait pris fin en moins de temps qu'il n'en faut pour faire le Kiddouch.
Mais chaque juif protégeait ses enfants, sa famille, son peuple. Victimes de la meilleure stratégie possible : si tu fais un pas de travers, je punirai ton voisin.
Je n'ai pas vu La Rafle, je me la suis prise en plein milieu du nez. Crochu, comme il se doit.
Madame Roselyne Bosch, je vous dis merci.
N'hésitez pas à raconter avant la projection de votre film, dites-le à tout le monde, l'histoire que vous nous avez contée, comment vous avez retrouvé,avec pour seul outil une conviction et une envie, le seul survivant de la rafle. Comment ce fut difficile, comment ce fut indispensable. Comment ce moment magique où vous l'avez retrouvé a marqué dans la pierre la nécessité de faire cette oeuvre ultime, terriblement magnifique que vous avez réalisé.
J'ai pleuré, pleuré sans m'arrêter, depuis la 4ème minute du film, lorsqu'une femme estampillée dit quelques mots dans sa langue natale, raclant violemment au fond de mon coeur le souvenir de "ma yiddishe mama" chanté par Sarah, mon arrière grand-mère, arrivée avec sa fille, Laja, dans le pays des droits de l'homme, comme tous ces gens. Comme Joseph Weismann et sa famille : "il ne peut plus rien nous arriver d'affreux maintenant", pensé-je en souriant. Je souris jaune, comme mon étoile.
J'ai beaucoup de chance, et je compte bien en profiter.
Mazel Tov.